Je répète souvent, sur ce blogue et lors de discussions avec des personnes variées, que la prochaine génération de leaders Québécois doit, d'ores et déjà, faire face à de multiples défis. L'un de ceux-ci consiste à mettre en place un mouvement social inclusif qui donnera le goût aux Québécois de s'intéresser à la chose politique et au futur de leur nation, à rassembler les Québécois au sein d'une nouvelle Révolution tranquille qui nous fera entrer de plein pied dans le 21e siècle.
Une question inhérente à toute société mûre pour un virage majeur se pose toutefois : D'où viendra le changement et qui l'opérera ?
À ce compte, quelques écoles de pensée s'affrontent. Pour les fins de cet article, je retiendrai trois vecteurs de changement possibles : Le « sauveur », les idées et la technique.
Le « sauveur »
Les personnalités fortes font partie intégrante des systèmes politiques. Nul besoin de remonter bien loin dans le temps pour le prouver. Il suffit de revenir sur les campagnes présidentielles de Nicolas Sarkozy en 2007 et de Barack Obama en 2008, d'évoquer la libération d'Ingrid Bétancourt ou même d'observer, au cours des toutes dernières semaines, le niveau d'enthousiasme dans la discussion suite aux sorties publiques de Lucien Bouchard, pour démontrer que certains hommes et femmes politiques fascinent, étonnent, mobilisent.
Est-ce que le déclic, donc, viendra d'une figure de proue charismatique ?
Il est évident que la population recherche certaines qualités chez ses dirigeants. On dira d'une personnalité politique qui sait toucher les gens qu'elle est « près du peuple ». On sera plus facilement emballé par un projet de société lorsque son porteur est motivant et qu'il semble y croire également. Un orateur hors-pair, quant à lui, fera applaudir même les plus sceptiques grâce à son talent. Certains croient donc que seul un leader fort peut mettre en marche une population, d'autant plus que celle-ci, au Québec par exemple, est amorphe. Ils sont d'ailleurs déjà à la recherche du prochain « sauveur ».
Mais le meneur politique, la tête d'affiche n'est-elle pas humaine, elle aussi ? Est-ce qu'on peut réellement fonder les espoirs d'une génération ou d'une cause entière sur les épaules d'une seule femme ou d'un seul homme ? C'est là que l'Histoire se manifeste pour démontrer que si certaines personnalités ont contribué (positivement ou négativement) à l'essor d'idées ou de projets, ils ont également bénéficier, entre autres, de nombreux alliés, d'un contexte favorable, de la faiblesse d'un adversaire, etc. Il existe également des dangers potentiels à s'en remettre entièrement à un dirigeant politique, au premier chef celui d'être déçu.
Les idées
Les idées mènent le monde, dit-on. En effet, les plus grands bouleversements politique trouvent leur fondement dans une réflexion, un remue-méninges sur une manière nouvelle de faire les choses. Une société en santé laisse place au débat et c'est ce qui lui permet d'évoluer. Afin de proposer un plan pour lancer le Québec à l'assaut de l'avenir, certains prônent que les jeunes leaders de la société de demain doivent d'abord discuter et débattre afin de proposer des idées novatrices à leurs contemporains.
Est-ce nous devrions nous concentrer sur les idées qui feront avancer le Québec de demain ?
La réflexion sur l'état actuel de la socitété Québecoise dépasse largement le simple cadre du milieu politique. Qu'il s'agisse de l'équilibre des finances publiques, des services sociaux, d'environnement, de croissance économique, de natalité, d'immigration, de société du savoir, de l'exode des cerveaux, d'indépendance nationale et de bien d'autres réalités, le défi d'élaborer et de présenter une réforme ou une alternative qui suscitera l'adhésion est de taille. Pourtant chaque jour les jeunes penseurs se rencontrent, créent des liens et discutent afin de trouver le chemin à suivre, franchissant ainsi le premier pas vers une société meilleure.
Comment, par contre, convier à une réflexion sur les idées une population de plus en plus imperméables aux propositions collectives ? De quelle manière (si cela est toujours possible) rejoindre les citoyens individualistes qui ne cherchent désormais que leur intérêt personnel... puis sa défence ? Penser pour penser, c'est bien beau, mais le risque pour les jeunes allumés est de s'éloigner peu à peu d'une population qui ne souhaite pas être bousculée, favorisant ainsi l'implantation d'un climat de méfiance mutuelle ou pire, d'indifférence entre les leaders et le peuple. Il faut donc viser le développement d'idées qui soient le plus concrètes possibles, répondent les idéalistes.
La technique
À l'ère de la technologie de pointe et de l'ultra-spécialisation du travail, le milieu politique est parfois attiré par le développement de solutions qui lui permettent de mieux performer. Sites de réseautage social, campagnes virales, publicités tappe-à-l'oeil, logiciels de planification stratégique, « machines » de sortie de vote, télé-souffleurs, firmes de relations publiques et j'en passe sont autant d'outils vers lesquels les partis politiques et les groupes de pression se tournent afin de pallier à la baisse de l'engagement citoyen.
Est-ce que le futur se trouve dans la « campagne de précision » et la « politique sur-mesure » ?
L'avantage des nouvelles techniques politiques est qu'elles permettent de mieux cibler son auditoire, de rejoindre les gens, souvent déjà convaincus, afin de maximiser leur engagement. Aussi, dans le contexte actuel où les gens ne cherchent pas nécessairement à être informés, ces techniques polissent l'image, racourcissent le message et professionalisent l'approche afin d'adapter le produit (quel qu'il soit) au client (qui qu'il soit). La « politique 2.0 » dépasse largement le web et plait aux politiques puisqu'elle amincit la marge d'erreur.
Toutefois, ce culte de la technique ne tend-il pas à déshumaniser le débat public ? Est-ce qu'impressionnés par le « jeu » politique en haute définition, nous n'oublions pas les raisons pour lesquelles les différentes tendances s'affrontent et des valeurs s'entrechoquent ? Il ne s'agit pas ici de se rappeler avec nostalgie l'âge mythique ou on pratiquait encore la politique de proximité, puisque le milieu a évolué et que ces avancées permettent des gains substantiels pour les organisations qui s'ouvrent au changement. La technique, par contre, peut mener à une vision plus mécanique, voir comptable, de la joute politique.
Quelle est LA solution ? Tenter de débusquer au plus vite une personne rassembleuse et visionnaire qui mobilisera les forces vives et « connectera » avec la population ? Convier les jeunes leaders de demain à une vaste réflexion sur le Québec qu'ils souhaitent bâtir afin de déboucher sur des propositions concrètes et novatrices ? Développer des outils et des techniques tout en précision afin de supporter logistiquement les personnes et les organisations qui veulent faire gagner le Québec ? Le traditionnel « un peu des trois » ?
La parole est à vous et, afin que la discussion soit la plus productive possible, je vous laisse sur cette célèbre citation de Josh Lyman, le conseiller du Président Bartlett dans la télésérie états-unienne
The West Wing :
« What do you call a leader with no followers ? Just a guy taking a walk. »